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 « … pour comprendre la marche du monde
Il faudrait que
Les hommes m’expliquent
Qu’est-ce qu’il y a dans le sac des filles. »

           La chanteuse Camille l’exprime avec humour : pour appréhender notre monde, rien de tel qu’une bonne psychanalyse de cet objet de transfert qui se nomme « sac à main ». Mais confesser le sac lui-même est une chose impossible, hélas. Il faut donc se contenter d’explorer son histoire pour vite comprendre à quel point le vécu du sac en question se confond intimement avec l’évolution de nos mœurs.

 

 BREF RETOUR EN ARRIERE
          Le 19ième siècle est celui où la mobilité se développe mondialement. Avec le train et le bateau, les voyages et les bagages se multiplient. Les malletiers et maroquiniers exercent un métier en plein essor. Mais ce sont avant tout les aristocrates et les bourgeois fortunés qui se déplacent. Ce sont d’ailleurs les femmes de ces classes sociales aisées qui sont les premières à obtenir le certificat de capacité à la conduite des véhicules automobiles. A la conquête de leur autonomie, un bagage nommé « sac à main » les accompagne, peut-être même pour y caser ce précieux permis de conduire, voire les premiers PV.
          En parallèle, celles qui au tournant du siècle dernier travaillent à l’usine et luttent difficilement pour briser « l’infini servage de la femme » , n’ont guère de sac à mains. Le peu qu’elles emportent avec elles tient dans les poches de leur tablier ou dans un panier. Le seul sac que l’on possède sert dans les grandes occasions et le dimanche pour emporter un missel et un mouchoir à la messe.

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UN PAS EN AVANT, UN EN ARRIERE
          Arrive la première guerre mondiale. Les hommes sont au front, les femmes endossent leurs rôles et portent des sacoches de wattman ou de contrôleurs dans les tramways, des sacs de postier, d’encaisseur… tout comme elles portent occasionnellement le pantalon. Ce vêtement est alors toléré mais la paix revenue, son port redevient scandaleux. Les femmes sont promptement renvoyées dans leurs foyers, et c’est le cabas pour les courses qu’elles reprennent en main.
          Seules celles qui vivent dans les milieux aisés gardent une certaine autonomie. Pour leur sortie, elles utilisent de petits sacs qui ne contiennent pas grand chose. Mais déjà, Coco Chanel crée un sac qui se porte en bandoulière pour libérer leurs mains. Progressivement, les femmes partent travailler hors de leur foyer, dans un Occident où l’industrie requiert leur main d’œuvre. En plus de l’usine, de nouvelles professions s’ouvrent à elles dans les bureaux. Elles s’y rendent avec pour compagnon un sac qui reste encore modeste, tant leurs vies sortent peu des sentiers battus.

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TOUJOURS PEU DE DROITS
          Malgré ce rôle indispensable des femmes dans le monde du travail et donc dans l’économie, le Sénat en France persiste à faire barrage à leur droit de vote. La France se montre rétrograde en cela comparé à bien d’autres pays du monde. Dès 1918 déjà, nombre de nations l’avait pourtant promulgué, en Europe ou ailleurs.
          Arrive la 2ième guerre mondiale. Arrive la 2ième guerre mondiale. Pendant plusieurs années, la hiérarchie des préoccupations est bouleversée. Il se trouve cependant des femmes qui sortent de leur rôle tout tracé pour entrer en Résistance. C’est en regard de leur contribution à cette résistance à l’Occupation que finalement, en 1944, le droit de vote leur est accordé. Mais le chemin vers l’autonomie est encore loin, même s’il s’accélère quelque peu.
          Si accélération il y a, à partir des années 50, c’est aussi parce que la femme s’empare de la voiture. Les moqueries ne manquent pas car l’homme cède avec réticence sa primauté dans le domaine de la mobilité. Papiers indispensables et petits objets du quotidien remplissent son sac, d’autant que son usage du véhicule reste souvent domestique : transporter les enfants et faire les courses.

LE VIRAGE DE 68histoire sac a main 636x1024
          Alors que la seconde moitié du 20ième siècle est déjà bien entamée, éclate le mouvement des années 68 et après. La mini jupe devient emblématique de la période. On oublie que c’est à ce moment-là que le port du pantalon par les filles est enfin autorisé dans les écoles. De plus en plus nombreuses dans les universités, elles se mettent au sac à dos où à la sacoche, comme les garçons. Elles profitent aussi largement d’une loi votée en 1965, presque subrepticement, qui leur donne enfin le droit de travailler sans l'autorisation de leur époux et à ouvrir un compte en banque en leur nom propre même lorsqu’elles sont mariées. Le portefeuille et son chéquier complètent la panoplie des objets avec lesquels la femme se déplace dorénavant.

 

ALLO MAMAN, BOBOhistorique du sac a main
          Mais les inégalités persistent. Aujourd’hui encore, la femme reste le « recours premier » de la famille, celle vers laquelle on se tourne pour les besoins du quotidien : dès qu’elle a des enfants, son sac se gonfle et s’alourdit de la tétine, du goûter, des mouchoirs en papier, des lingettes, du tube d’arnica ou des pansements pour les petits bobos, bonbons compris. Alors qu’en 1987 l’égalité parentale est décrétée, son sac témoigne encore de la disparité des rôles dans la famille. Comme la femme qui le porte – ou le charrie, c’est selon - il doit avoir la solution à toutes les demandes : faim, soif, petits accros du quotidien. On y engouffre également le téléphone, les clefs, un tube de rouge, un poudrier, de l’aspirine, des stylos, des bouts de papier, des documents privés ou professionnels. S’y mélangent allégrement toutes les vies qu’on mène de front : mère, épouse, femme au travail et femme tout court.

RETOUR AUX SOURCES
          Doit-on en conclure que la femme ne sera vraiment libre que le jour où, comme les hommes, elle pourra se promener les mains dans les poches ? Ou à l’inverse, le jour où dans la sacoche de l’ordinateur des hommes on trouvera tout un fourbi familial ? Pour les designers et les maroquiniers, il y a là un vaste champ qui pourrait s’ouvrir à eux, sans vouloir prétendre retourner au néolithique. Car ne l’oublions pas : il y a fort longtemps, l’inventeur et premier utilisateur du sac a probablement été du genre masculin.

 

 Avec l'aimable participation de M-A.K.

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