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Nous venons de vendre le Musée du Bagage…

…ou comment le fonctionnement de l’administration d’une ville peut pousser à jeter l’éponge.

Le Musée du Bagage rassemblait 550 pièces de bagagerie, retraçant l’évolution de l’art du voyage du XVIIᵉ siècle à nos jours.
Pendant dix ans, nous avons prêté gratuitement  ( j’insiste sur ce point, car certains pensaient que c’était loué )   l’intégralité de la collection à la ville où nous habitons.

Et pour ceux qui, à l’annonce de la fermeture, commentent « il n’y a que l’argent qui les intéresse » : si tel avait été le cas, pourquoi aurions-nous prêté gratuitement une telle collection pendant dix ans, au lieu d’en tirer profit ?

Notre objectif initial, avec mon épouse, était qu’après une période de mise à disposition, la collection soit offerte à la ville.
Nous n’avons pas d’enfants : autant en faire profiter une ville qui ne dispose pas d’un attrait touristique national, en y apportant un pôle d’intérêt.

En dix ans, nous avons accueilli plus de 50 000 visiteurs venus du monde entier. Les livres d’or témoignent de leur plaisir. Des salariés de toutes les grandes maisons de luxe sont venus s’inspirer au moins une fois.
Nous avons même reçu des visiteurs étonnants… et un chef d’État des Émirats, venu avec sa délégation.

Je suis convaincu que le musée faisait vivre l’économie locale : hôtels, maisons d’hôtes, restaurants, commerces, tourisme…

Qu’on le sache : c’est grâce à M. Sturni que le musée a pu ouvrir ; son dynamisme et son envie de faire ont été remarquables. Les Haguenoviens doivent en avoir conscience.

Alors, pourquoi arrêter ?

En dix ans, nous avons vécu de très beaux moments, mais aussi des passages compliqués.
Travailler avec une administration municipale, ce n’est pas toujours simple.

Dès le départ, on nous a expliqué que nous étions des professionnels du bagage, mais pas du reste. La communication devait donc être municipale, le prix d’entrée aussi… bref, « ils gèrent, ils savent ».

Humainement, les personnes étaient sympathiques. Mais le système, lui… ah, le système…

Quelques exemples :

  • Je souhaitais que la ville offre à nos 18 bénévoles quatre billets gratuits par an pour leurs proches.
    Réponse : « C’est de l’argent public, ce n’est pas possible, c’est trop compliqué. »
    Même en alertant l’élu en charge de la culture, rien n’a bougé. Il n’a jamais pris le dossier en main.

  • Le musée était ouvert du mercredi au dimanche, de 14 h à 17 h 30.
    À plusieurs reprises, des visiteurs venus de loin ont trouvé porte close.
    Réponse : « Ah oui, la personne est malade… »

  • J’ai proposé de garder les clés pour pouvoir ouvrir en urgence.
    Réponse : « Ah non, vous n’êtes pas de la mairie… »

  • La communication ? Trois publications Facebook par an, c’est « suffisant »…
    Dans la grande ville voisine, presque personne ne connaissait l’existence du musée.

  • Soirées au musée ? Jamais possible. Toujours trop complexe.

  • Le directeur du musée licencié ? Nous l’avons appris quatre mois plus tard.

  • L’office de tourisme ? Il classait le musée à côté d’un salon de massage/spa…

Etc., etc.

Le pompon

Lors d’une réunion, il y a quelques mois, avec l’élu à la culture et le directeur des services, le message a été, en substance :
« Gérer un musée, finalement, ce n’est pas trop notre truc. C’est compliqué. Vous ne voulez pas une subvention et vous gérez tout vous-mêmes ? »

Avec mon épouse, nous avons été dégoûtés par ce manque évident d’intérêt.

Quand nous étions à l’aérodrome, notre record annuel a été de 10 000 visiteursÀ la Banque de France, nous avons culminé à 5 000.
Quand j’interroge ne serait-ce que des Strasbourgeois, pas un seul ne sait que la plus grande collection de malles est à Haguenau. Sic.

Je ne sais pas si les commerçants, les habitants ou le public prendront la mesure de la perte d’un pôle culturel unique.
Nous étions devenus, sur la plupart des sites de référence, l’attraction n°1 de la ville (TripAdvisor, Google…).

J’ai proposé d’organiser une réunion de retour d’expérience pour analyser les causes de cet échec et dire ce qui, selon moi, aurait dû être fait.
J’attends toujours. Et je doute d’avoir une réponse.

Depuis l’annonce de la vente dans la presse, j’ai reçu des dizaines de témoignages de soutien.
Mais aucun élu ne m’a contacté pour comprendre pourquoi nous arrêtions.

Nous avons arrêté parce que les choses ne sont pas faites, parce que l’élu à la culture nous a laissé entendre que le musée… bof.
Je lui souhaite de faire mieux et plus intéressant, et de trouver des collectionneurs qui prêtent gratuitement ainsi que des bénévoles qui s’investissent autant.


Voilà.
La cohabitation entre le public et le privé est compliquée.
Et la seule bonne volonté d’un couple ne suffit pas.

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